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Mai
Bienvenue au pape Léon XIV
Publié le 09/05/2025
Article La Croix du 9 mai 2025

Le cardinal américain Robert Prevost, 69 ans, a été élu pape ce jeudi 8 mai 2025 à 18 h 08. Ce religieux augustin a longtemps été missionnaire au Pérou avant d’être appelé à Rome par François, en 2023, comme préfet du dicastère pour les évêques. En le choisissant, les cardinaux confirment le choix d’une Église ouverte, multiculturelle et missionnaire.

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Américain de naissance, Robert Prevost est issu d’un père d’origine franco-italienne et d’une mère d’origine espagnole, qui a passé une bonne partie de sa vie comme missionnaire au Pérou avant d’être supérieur de son ordre religieux à Rome. Voilà, en quelques mots, le parcours, exemplaire de l’Église multiculturelle chère au pape François, de celui que les cardinaux réunis en conclave ont élu le 267e pape.

Arrivé depuis seulement deux ans à Rome, cardinal depuis septembre 2023, il ne figurait pas dans les favoris des vaticanistes. Le cardinal Prevost cultive en effet la discrétion et, ces derniers jours, pour éviter les journalistes alpaguant à la grille du Saint-Office les cardinaux se rendant aux congrégations générales, il prenait une anonyme petite voiture pour faire les quelques centaines de mètres reliant la curie des augustins, où il vit, à la salle du Synode.


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Participant à la plupart des nominations épiscopales dans le monde depuis qu’il a pris la tête du dicastère pour les évêques en avril 2023, ce polyglotte – outre l’anglais, Robert Prevost parle le français, l’italien, l’espagnol et le portugais et lit le latin ainsi que l’allemand – est pourtant un de ceux qui, à la Curie, portent sur l’Église catholique un des regards les plus larges et universels, fruit d’une expérience pastorale riche et diverse.

Missionnaire au Pérou
Né à Chicago (nord des États-Unis) en 1955, entré en 1977 dans l’ordre de saint Augustin, Robert Francis Prevost a étudié les mathématiques et la philosophie à l’université Villanova, près de Philadelphie (est), puis la théologie à la Catholic Theological Union de Chicago et enfin le droit canonique à l’Angelicum à Rome.

Ordonné prêtre en 1982, à Rome, par l’archevêque belge Jean Jadot, ancien nonce aux États-Unis et figure progressiste de la Curie sous Paul VI et Jean-Paul II, il est envoyé dès 1985 au Pérou, comme missionnaire dans la prélature de Chulucanas (Nord-Ouest), confiée aux augustins dans les contreforts des Andes. Il y achèvera en 1986 son doctorat de droit canonique, avec une thèse sur le rôle du prieur local dans son ordre.

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De retour en 1988 à Chicago, comme responsable des vocations et des missions de la province augustine du Midwest, le père Prevost repart l’année suivante au Pérou, cette fois à Trujillo, la grande ville du nord du pays, où, pendant près de dix ans, il s’occupe de la formation des religieux. Élu provincial du Midwest en 1999, il ne reste que deux ans et demi en poste, avant d’être élu en 2001 prieur général de l’ordre de saint Augustin.

Évêque dans une Église péruvienne divisée
De ces douze années romaines (il sera réélu en 2007 après vingt minutes d’élection, la plus rapide de l’histoire de l’ordre), il dit avoir beaucoup appris de ses rencontres. « Des personnes différentes peuvent grandement améliorer notre vie, racontait-il en 2023 dans un entretien sur le site de son ordre. Le fait d’avoir une communauté riche construite sur la capacité de partager avec les autres ce qui nous arrive, d’être ouvert aux autres a été l’un des plus grands cadeaux que j’ai reçus dans cette vie. »

De retour en 2013 à Chicago, il n’y reste qu’une année, vite renvoyé au Pérou comme administrateur apostolique, puis évêque de Chiclayo, un autre diocèse andin, proche de Chulucanas. Divisée entre des tendances très opposées, l’Église péruvienne traverse alors une période délicate, et Rome préfère alors nommer un évêque étranger.

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Vice-président de la Conférence épiscopale péruvienne en 2018, Mgr Prevost sera aux premières loges du scandale Sodalicio, un puissant mouvement ultra-conservateur accusé de nombreux abus. Il continuera à suivre l’affaire après sa nomination à Rome, et jusqu’à la dissolution de Sodalicio par François, en janvier dernier, une des dernières décisions du défunt pape. Il participera ainsi au renvoi de Mgr José Antonio Eguren, son ancien archevêque métropolitain de Piura, membre de Sodalicio et reconnu coupable de complicité dans le scandale.

Abus sexuels : « Il a agi plus que la moyenne des évêques latino-américains »
Cette attitude lui vaudra la tenace rancune du mouvement, dont un des membres l’accusera d’avoir couvert des abus dans son diocèse de Chiclayo, alors que la procédure avait été classée, faute de preuves, tant par la justice péruvienne que par la Congrégation pour la doctrine de la foi à qui il avait transmis les dossiers. « Ils l’ont persécuté en représailles », assure Paola Ugaz, la journaliste à l’origine de l’enquête sur Sodalicio, selon qui Mgr Prevost fut l’un des rares évêques péruviens à soutenir les victimes.

« Il a agi, et certainement plus que la moyenne des évêques latino-américains », affirme pour sa part dans l’hebdomadaire américain Our Sunday Visitor le sociologue mexicain Rodolfo Soriano-Nuñez, spécialiste des violences sexuelles dans le clergé en Amérique latine, décrivant la prévention mise en place dans le diocèse de Chiclayo.

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« C’est un homme de foi, prudent, doté d’un grand amour pour l’Église et d’un profond sens des responsabilités dans le discernement des candidats à l’épiscopat et soucieux d’approfondir les situations problématiques qui pourraient constituer un empêchement à une nomination », confie sœur Yvonne Reungoat, ancienne supérieure générale des Salésiennes de Don Bosco et une des trois premières femmes nommées membre du dicastère pour les évêques par François.

« Très à l’écoute »
Pour autant, le nouveau pape se garde de trop focaliser le message de l’Église sur la morale et la doctrine. « Nous sommes souvent préoccupés par l’enseignement de la doctrine, la manière de vivre notre foi, mais nous risquons d’oublier que notre première mission est d’enseigner ce que signifie connaître Jésus-Christ et de témoigner de notre proximité avec le Seigneur, confiait-il en 2023 à Vatican News. La première chose à faire est de communiquer la beauté de la foi, la beauté et la joie de connaître Jésus. »

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« Il faut arrêter de se cacher derrière une idée de l’autorité qui n’a plus de sens aujourd’hui », réclamait aussi Mgr Prevost, soucieux de « passer d’une expérience où l’autorité parle et tout est fait, à une expérience ecclésiale qui valorise les charismes, les dons et les ministères présents dans l’Église ».

« C’est un homme serein, très à l’écoute et respectueux de la parole des membres du dicastère », abonde sœur Yvonne Reungoat. « Qui sait affronter les problèmes de façon pragmatique », ajoute une autre personne qui a travaillé avec lui.

Méfiant envers toute prise de position idéologique
Méfiant vis-à-vis de toute prise de position idéologique dans l’Église, le cardinal Prevost s’est attaché, au cours de ces deux années à Rome, à éviter les coteries, entretenant de bonnes relations tant dans les milieux progressistes que conservateurs. Il sera ainsi de ceux qui auront apaisé les relations entre la Curie et l’Église d’Allemagne à propos de son Chemin synodal.

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« Les divisions et les polémiques dans l’Église ne servent à rien », assurait à Vatican News celui qui, en digne fils de saint Augustin, insistait sur l’unité de l’Église. « Un véritable défi, surtout lorsque la polarisation est devenue le mode de fonctionnement d’une société qui, au lieu de rechercher l’unité comme principe fondamental, va plutôt d’un extrême à l’autre », développait-il aux augustins, refusant de « confondre l’unité avec l’uniformité », tout autant que la diversité avec le fait de « vivre sans critères ni ordre ».

« Il s’agit là de positions idéologiques, soulignait celui qui a désormais la charge de l’unité de l’Église. Lorsqu’une idéologie devient le maître de ma vie, je ne peux plus dialoguer ou m’engager avec une autre personne parce que j’ai déjà décidé de la façon dont les choses se passeront. Cela rend évidemment très difficile le fait d’être Église, d’être communauté, d’être frères et sœurs. »

repères
Robert Prevost en dix dates
14 septembre 1955. Naissance à Chicago (Illinois).

1977. Entré au noviciat des Augustins, chez qui il prononce ses vœux solennels le 29 août 1981.

19 juin 1982. Ordonné prêtre par Mgr Jean Jadot, pro-président du secrétariat pour les non-croyants.

1985-1986 et 1989-1998. Missionnaire au Pérou.

1999. Provincial du Midwest.

2001-2013. Prieur général de l’ordre de saint Augustin.

2014. Administrateur apostolique puis évêque de Chiclayo (Pérou).

2018. Vice-président de la Conférence épiscopale péruvienne.

2023. Préfet du dicastère pour les évêques et créé cardinal en septembre.

2025. Il est élu pape et prend le nom de Léon XIV.

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